Groupe:

Satan Jokers

Date:

22 Février 2018

Interviewer:

fifi59

                   Photo par Philippe Wagner

Interview Renaud Hantson (par mail)

Bonjour Renaud, je te remercie de m'accorder cet entretien pour le webzine Aux Portes Du Metal. La dernière fois que je t'ai interviewé, c'était en 2013 pour l'album "Psychiatric", qui suivait "AddictionS". Puis est sorti "Sex Opera", Opéra Rock qui clôturait le triptyque avec Laurent Karila. Peux-tu nous faire un petit bilan de cette collaboration qui a accouché de ces trois superbes albums ?

Je suis assez fier de cette collaboration qui aura permis de parler de manière différente des addictions (drogues, sexe) et des maladies psychiatriques. Ce travail artistique et thérapeutique a été validé par la MILDECA (Mission Interministérielle contre Les Drogues Et les Comportements Addictifs) et c’est pour moi bien plus important dans ma carrière qu’un classement dans un Hit Parade quel qu’il soit ou une victoire de la musique. Cela a donné un second souffle à ce deuxième line up de Satan Jokers. J’ai pu m’essayer à l’écriture d’un opéra rock avec "Sex Opéra" avant l’écriture de mon double album-spectacle musical "Rock Star". Enfin, grâce à cette collaboration, j’ai chanté des mots comme "tachycardie", "anédonie" ou "vasoconstriction", plus clairement j’ai chanté des textes auxquels initialement je ne comprenais parfois rien et rien que ça c’est assez novateur !!! (rires)

Lorsqu'on voit tout ce que tu fais, on ne peut être qu'admiratif : livres, Satan Jokers, Furious Zoo, la carrière en solo, Judas Feast, l'Opéra Rock "Rock Star", ton école de chant et de batterie et bien d'autres choses, présentes ou à venir... Cette passion indéfectible qui t'anime te laisse-t-elle des moments de repos ?

J’ai en effet toujours été un "workaholic". Je dis souvent que je me reposerai quand je serai mort. J’ai simplement envie de laisser une trace dans cet univers musical tout en gardant la liberté d’être un artisan de la musique.

Venons-en maintenant à "Symphönïk Kömmandöh", le nouvel opus de Satan Jokers. Comment a germé l'idée d'un best-of enregistré avec un orchestre ?

L’album est en premier lieu la rencontre après un concert à Aix-en-Provence en janvier 2016 avec Florent Gauthier, musicien et professeur au Conservatoire, ayant la double culture du Rock et du Classique. Florent s’est présenté avec le même second degré et cynisme que moi en affirmant être "l’idée brillante que j’attendais pour ne pas mettre un terme à Satan Jokers". Je me suis reconnu dans cette attitude et ai tout de suite embarqué sur le projet puisque c’est la première fois qu’un groupe de Metal francophone osait la rencontre improbable et tendancieuse entre deux univers aussi opposés que le Rock et le Classique. J’ai toujours aimé l’idée que Satan Jokers fasse certaines choses avant d’autres "collègues" du circuit !

Comment le choix s'est-il porté sur l'Orchestre Symphonique Phocéen et Florent Gauthier ?

Parce que c’est lui qui en est l’initiateur !!! (rires) Initialement il ne pensait pas diriger les musiciens classiques mais juste écrire les partitions pour les arrangements de l’orchestre mais celui auquel il pensait l’a planté à quelques jours de l’enregistrement alors il a procédé autrement et a géré entièrement la production de la partie symphonique…

Je trouve que le choix des seize compositions est très judicieux. Quel plaisir notamment de redécouvrir des titres des tout premiers opus (Ah "Les Fils Du Métal" !) avec gros son et sauce symphonique ! Justement, comment les titres ont-ils été choisis ?

Nous avons décidé de prendre surtout ce que l’on peut considérer aujourd’hui comme les "incontournables" de la première version de Satan Jokers associés aux titres plus récents pour qui une version symphonique apporterait vraiment quelque chose, en accord avec Florent Gauthier et les membres du groupe. Florent, qui a été très fan du groupe depuis ses débuts, m’avait apporté une liste de titres très proche de la sélection finale dès notre deuxième rencontre.

Le son est excellent et j'ai trouvé que la gestion de la collaboration entre la section Metal et l'orchestre était particulièrement pertinente. Comment s'est déroulé l'enregistrement de "Symphönïk Kömmandöh" ? Combien de temps a-t-il pris ?

L’enregistrement des parties symphoniques s’est fait dans le Sud de la France sous la direction de Florent qui a fourni un travail incroyable de relecture des titres et c’est cela qui m’intéressait avec un tel projet. A force de jouer certains titres, on s’habitue un peu. Je lui ai laissé une totale liberté. Un boulot de passionné tel que celui de Florent est un cadeau dont je ne pouvais pas me passer. Nous avons tous réenregistré nos parties musicales et pour ma part il n’y a que cinq titres que je n’ai pas refaits vocalement car je n’aurais pas obtenu mieux que ce que j’avais enregistré sur les albums d’origine. J’ai un peu la sensation d’avoir été légèrement extérieur jusqu’à mes enregistrements de voix et de ne m’être investi qu’au moment des options de mixages. Entre la décision de le faire en janvier 2016 et la sortie en février 2017, nous aurons donc mis un an.

Qui s'est occupé de la pochette de "Symphönïk Kömmandöh" ?

La pochette a été faite par mon ami Wenerja, qui est guitariste et graphiste mais qui avait tenu la basse pendant deux ans dans Furious Zoo. Il s’était également déjà occupé de plusieurs graphismes pour mes divers projets. C’est un réel plaisir d’avoir pu retravailler avec lui, il est de la "famille" !

Je présume que les premiers retours (presse, fans) sont très positifs ?

Je suis très agréablement surpris du retour de la presse et des fans (dont certains avaient participé activement au crowdfunding). Cela fait vraiment plaisir de lire les diverses chroniques assez dithyrambiques sur l’album. Cela prouve que nous avons réussi un tour de force en partant d’un enregistrement beaucoup plus complexe que ce que nous avions déjà connu auparavant et comme le dit Aurel, notre batteur, le groupe n’a jamais joué avec autant de cohésion et n’a jamais été aussi bon.

Quelques concerts sont-ils envisageables dans cette configuration symphonique ?

Nous avons déjà joué une partie des titres sur scène au dernier Satan’s Fest grâce à des mixages isolés de l’orchestre. Nous souhaiterions réitérer l’expérience car cela est vraiment intéressant, quant à savoir si nous pourrons réunir quarante musiciens classiques sur une même scène avec nous, rien n’est moins sûr malheureusement...

Je te posais une question en 2013 et, en tant que fan du groupe, je ne peux que la réitérer : rassure-moi, ce n'est pas l'ultime enregistrement de Satan Jokers ?

Si quelqu’un d’autre me propose une idée aussi brillante que celle d’un album symphonique, alors je fonce ! (rires) Laurent Karila me harcèle depuis près de deux ans avec un concept album sur la "fracture sociale" vue d’un point de vue plus tordu que le commun des analystes politiques alors j’ai appris à ne jamais dire jamais !...

Comment s'est déroulé le concert de Judas Feast, le groupe de reprises de Judas Priest au sein duquel tu chantes ?

Cela a été un véritable triomphe. Le public était très présent et réactif, chantant les titres par cœur. Le groupe n’avait pas joué depuis deux ans et ça nous a donné la pêche pour la date que nous ferons le samedi 7 avril près d’Orléans à Rebréchien.

J'ai acheté ton Opéra Rock "Rock Star", qui incarne une de tes autres facettes (hors Metal donc), et l'ai beaucoup apprécié. Une tournée est-elle envisagée ?

Le disque est en rupture de stock, ce qui est plutôt bon signe, il ne doit rester que quelques exemplaires "physiques" et le double album n’est plus trouvable qu’en digital sur des sites type iTunes. Je suis miné de voir que les producteurs sont devenus frileux quand il s’agit de comédies musicales originales, un grand nombre de spectacles musicaux sur lesquels avaient été investis des millions d’euros se sont plantés, or on ne masque pas la misère de certains shows avec de l’argent. Pensant ce genre en perdition, on n’accepte de monter que des spectacles anglo-saxons dans des versions françaises alors qu’on aurait tant de choses originales à montrer en France. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot et je reste ouvert à toute proposition même si pour l’instant il n’y a pas de tournée en vue, je tourne déjà beaucoup avec mon hommage à Michel Berger où Pascal Mulot et Michaël Zurita, bassiste et guitariste de Satan Jokers, m’entourent et j’ai un autre "concept-concert" avec un show que j’ai présenté en Israël en février et qui est baptisé "Opéra Rock" car il résume mes chansons favorites des plus grandes comédies musicales et opéras Rock francophones et internationaux, en plus Rock et avec ma relecture des titres bien entendu...

Je sais que Michel Berger a toujours une place importante dans ton cœur. Peux-tu me dire un mot sur cette personnalité incontournable de la variété française, ta rencontre avec lui ?

Michel Berger reste un mentor et un père spirituel pour moi. Avec la disparition de France Gall, j’ai de plus en plus envie de défendre ce qu’il appelait "la bonne musique". Il est le premier à avoir cru en moi. Je n’oublie pas cela et lui rendrai toujours hommage, comme je l’ai fait ponctuellement depuis vingt-cinq ans et de façon plus précise depuis deux ans.

Quelles nouvelles de ton école ?

Je donne toujours des cours les mercredis et vendredi avec des élèves passionnés. J’ai un peu réduit mon nombre de batteurs, cet instrument demandant beaucoup de rigueur et d’investissement. On me dit que, cette année, je donne mes meilleurs cours depuis un moment. Je crois que c’est parce que cela me motive vraiment de transmettre à des gens qui se montrent intéressés et réceptifs et qui souhaitent apprendre un art, quand d’autres à la TV préfèrent devenir des stars avant le travail que cela implique pour le mériter.

Que penses-tu des scènes Rock et Metal actuelle ? Quels groupes apprécies-tu plus particulièrement ?

Je me sens un peu comme un "Parrain du Metal", façon Don Corleone immortalisé par Marlon Brando ! (rires) Lorsque j’organise le Satan’s Fest, les groupes qui y participent viennent souvent me demander un avis sur leur musique et c’est toujours un plaisir de pouvoir les aider et les conseiller. Je trouve bien que certains se battent pour que le Metal français ne meure pas même si j’ai parfois la sensation que tout a été fait en matière de musique Rock depuis les années 70. Le trio anglais Led Zeppelin, Deep Purple et Black Sabbath et pour les américains Aerosmith et Grand Funk Railroad ont tout inventé. En bon fils du Metal que je suis, Satan Jokers a juste fait évoluer quelques codes en ajoutant des touches de Jazz Rock et de Pop au Hard Rock émanant des 70s, ce qui a fait dire à certains journalistes, et pas les moindres, que nous avions inventé la "Fusion Metal" !... C’est toujours très flatteur à caser dans une interview et ça va bien avec la soi-disant légendaire mégalomanie du groupe !!! (rires)

Quels albums écoutes-tu en ce moment et lesquels conseillerais-tu ?

Mon truc depuis quelques années c’est de me faire des Best-Of de tous les artistes que j’aime avec les chansons que je préfère, sur cette clé USB il y a tout ce qui m’a inspiré et m’inspire encore, plus des nouveautés mais c’est de plus en plus difficile de faire du neuf en matière de musique car il n’y a que sept notes dans une gamme et les Beatles ont déjà tout inventé et tout fait avant nous tous !!! (rires) J’ai un backup de cette clé car elle vaut de l’or, c’est toute une vie de musique classée de A à Z !

Je te remercie pour cet entretien, je te laisse maintenant le mot de la fin !

Faites pas trop de conneries, c’est moi qui ai le monopole !!!