Groupe:

Mat Ninat

Date:

06 Novembre 2018

Interviewer:

yanng

Interview Mat Ninat (par mail)

Merci Mat de bien vouloir nous accorder cette interview pour le webzine www.auxportesdumetal.com

C'est marrant parce que vos deux dernières interviews sont celles de Patrice Vigier et de Renaud Hantson, et je bosse avec les deux, donc la boucle est bouclée ! De toute façon, à chaque fois que je rencontre quelqu'un de nouveau, on se rend souvent compte qu'on a cent soixante potes en commun.

Peux-tu nous parler de toi et de ton parcours ?

Je suis multi-casquettes, j'oscille entre photo, musique et vidéo ; toutes mes activités ont un point commun : la musique. Je bosse depuis vingt ans pour Canal+ en tant que réalisateur et photographe, et je joue de la musique depuis trente ans. Ma mère était aussi multi-casquettes (actrice, photographe et mannequin), ça doit venir de là.

J'ai grandi dans la famille de Kate Bush. Mon beau-père était photographe aussi, il faisait des pochettes d’albums et il y avait toujours de la musique à la maison, cet environnement m’a beaucoup inspiré dès mon enfance. Ado, il m'est arrivé plein de fois de donner des coups de main en tant qu'assistant photo studio parce qu'on faisait tout à la maison. Ma mère m’a offert mon premier Nikon argentique avec un 50 mm et m’a appris à développer mes propres photos noir et blanc dans la chambre noire qu’on avait. C’est marrant de reprendre ce flambeau aujourd’hui, parce que je fais pas mal de pochettes d’album ; par exemple, le dernier DVD de Trust, et mes photos illustrent leur dernier album aussi dans le livret et la cover arrière. Aussi le dernier album de Furious Zoo. Avec Renaud Hantson, on a fait un échange de bons procédés : il m'a filé un coup de main sur mon album et en échange, je lui ai préparé le livret de son album de Furious Zoo. Avec Trust, je fais aussi, en plus des photos, beaucoup de vidéos et je pense que j'ai eu le job parce que j'étais aussi musicien (c’est important de parler le même langage).

Mon côté multi-casquettes est utilisé pleinement dans cette collaboration. J'ai eu ma première guitare à neuf ans, je prenais des cours avec un des guitaristes de Kate Bush. J'ai vite laissé tomber car c'était une guitare classique entrée de gamme avec les cordes à dix bornes du manche, et j'avais déjà envie de faire du rock n' roll. J'étais très influencé par les groupes musicaux de mon père depuis que je suis né : Led Zep, les Stones, Hendrix, Blackfoot, Cactus, Higelin, Deep Purple, Johnny Hallyday...

Quand j'étais ado, j'ai commencé à écouter du metal : Iron Maiden, Motörhead, Metallica, Anthrax... Ensuite, il y a eu tous les groupes des années 80-90 : Guns N' Roses, Rage Against The Machine, AC/DC, Aerosmith… C’est là que j’ai eu envie de reprendre la guitare, mais électrique cette fois. Je suis moitié anglais, moitié français, j'ai la double nationalité. Je suis très imprimé de la culture anglo-saxonne au niveau musical en tout cas, ce qui explique pourquoi je chante en anglais. Le seul groupe de rock que je trouve qui sonne vraiment bien en français, c'est Trust ! Bernie envoie du bois, il chante fort, il n’est pas juste en train de marmonner dans un micro.

Comment as-tu travaillé ce nouvel album ?

Il y a des morceaux plutôt fusion funk-rock, d'autres qui sont plutôt blues ou 100% rock n' roll. Pour les morceaux funk, j'ai tendance à trouver des riffs sur ma basse en jammant sur des rythmes de batterie qui me plaisent. Je vais trouver un truc funky avant de poser une guitare souvent à l’unisson par-dessus pour que ça groove à mort. Pour les morceaux rock ou blues, je vais plutôt composer à la guitare. Sur cet album, j'ai vraiment voulu aborder ça de manière professionnelle et avoir une liberté artistique totale. J’ai d’abord pris le temps de composer et enregistrer tous les titres. J’ai fait des démos où j'ai joué la guitare, la basse, le chant, programmé toutes les batteries. Une fois la maquette produite, j'ai ensuite recruté un super bassiste et un super batteur professionnels afin de gagner du temps précieux et faire quelque chose de vraiment cool.

Par relation, j'ai eu l'opportunité d'aller enregistrer aux studios Davout. Pour moi, c'était inaccessible. C'est le ou un des derniers albums enregistrés aux studios Davout car ils l'ont démonté quelques mois après. Quand on travaille avec de grands professionnels comme Pascal Mulot et Aurélien Ouzoulias, on va très vite. Avant la première répèt', j'avais envoyé quatre morceaux à Aurél et, dès le début, il les connaissait déjà mieux que moi. Non seulement c'est un très bon technicien mais, en plus, il a de très bonnes idées d’arrangements. Pascal c’est pareil, il se met au service de la musique, y consacre du temps, et met beaucoup de coeur dans ce qu’il fait. En une journée à Davout, on a enregistré sept titres et un clip. Pour le mix, j'ai fait appel à Anthony Arconte ; et je ne regrette pas, je suis hyper satisfait du résultat : ça sonne vraiment grosse production, il a fait un super job. Il est un peu comme Aurel : un super technicien bourré de superbes idées d'arrangements.

Deux influences me sautent aux oreilles quand j'écoute ton album : celles de Slash et de Nuno Bettencourt. Confirmes-tu ?

Carrément, tu as bien vu. C'est vrai que Slash a une énorme influence pour moi au même titre que Nuno Bettencourt, Jimmy Page, Hendrix, Joe Perry, Gary Moore, Keith Richards... J'ai eu une révélation lors de mon émission préférée que je regardais assidûment fin des années 80 en Angleterre, qui s'appelait "Heavy Metal Heaven" ; deux vidéos sur cette émission ont changé ma vie : une vidéo live de Led Zeppelin "Live At Danmarks Radio" et la vidéo live de Guns N' Roses au Ritz à NYC en 1988. Pour moi, ces deux vidéos ont été une révélation. Quelques mois plus tard, je me suis empressé d'acheter ma première guitare électrique et mon premier ampli. Je n'ai pas pris beaucoup de cours car je prèfère être libre de jouer ce que je veux. Je préfère aussi prendre plein de cours avec des gens différents plutôt qu'avec le même prof parce que je trouve que c’est plus enrichissant, chacun t’apporte quelque chose de différent que tu peux ensuite intégrer dans ton propre jeu.

Comment envisages-tu la promo de cet album ?

Le problème, c'est qu'en 2018, le marché du disque est vraiment pourri. Le côté positif, c'est qu'en 2018, on peut produire son propre clip, sa propre musique pour pas cher, grâce à la technologie. Si tu n’as pas un million de likes et que tu ne remplis pas des salles de concert, tu ne signeras pas de contrat. Mais il faut amorcer la pompe, j'utilise les relations de mon carnet d'adresses. Produire un disque aujourd’hui, c’est une démarche hérétique ! On y passe des milliers d’heures, on dépense des milliers d'euros et en terme de business plan on n'a aucune garantie.

Quelques anecdotes sur les guests : Renaud Hantson, Pierre Bienvenuti, Patrick Rondat, Nono ?

Cet album est le fruit de belles rencontres et j’ai énormément appris de ces magnifiques collaborations avec des guests aussi talentueux les uns que les autres. Ils m’ont vraiment tiré vers le haut, et je suis conscient que cet album, même si c’est mon projet solo, est le fruit d’un travail collectif avant tout.

Quand Nono y a participé, on était déjà en tournée ensemble avec Trust, et il était forcément très occupé. Mais il m'avait promis de trouver le temps pour poser un solo de guitare et mon projet le branchait bien, et il a une générosité et une gentillesse hors pair. Quand il est venu faire la séance aux studios Davout, il ne savait pas encore sur quel morceau il allait jouer. Il a donc pris le temps de s’imprégner des titres, il écoutait ce qu'on faisait, et tout d'un coup il s'est levé et m'a dit : “Mat, ce qu’on va faire, c’est une battle de guitares !” Et ça donne les deux battles qu’on entend sur le titre "Run Away”. C’était un très grand moment de se retrouver avec Nono en train de faire les prises en live comme ça dans un studio légendaire où Trust a beaucoup enregistré.

J’ai rencontré Patrick Rondat lors d’une émission musicale que je réalisais aux studios Davout, un pilote pour France Télévision. On a tout de suite sympathisé et parlé musique, c’est un mec adorable et bourré de talent. Je lui ai parlé de mon album, je lui ai ensuite envoyé les titres. Et une semaine après, avec sa grande humilité, il m’envoie un solo en me disant "tiens, j'ai fait un petit truc, tu verras, tu me diras si ça peut te convenir"... et c’était bien évidemment une tuerie dès la première prise ! L’autre jour il m’a dit “j’ai pris beaucoup de plaisir à jouer sur ton titre, et ça m’a fait jouer différemment”.

Avec Pierre Benvenuti, on a passé aussi un grand moment aux studios, c’est un gars super et il a une voix qui déchire. On a posé des choeurs ensemble sur les titres "Run Away” et “Getting The Job Done”. La séance a duré toute la nuit, on a même commencé à composer un titre ensemble à la guitare acoustique pendant que l’ingé son faisait des edits. On est sorti du studio à midi le lendemain !

Renaud Hantson était aussi une rencontre magnifique, c’est une des meilleures voix françaises, il a des capacités vocales incroyables et c’est un référence dans le rock depuis très longtemps avec Satan Jokers entre autres. On s’est rencontré sur les tournages de trois clips que j’ai produits et réalisés pour Summer Storm, le groupe de Patrice Vigier (lui aussi, une rencontre formidable). On a tout de suite accroché et il s’est généreusement proposé pour poser des choeurs sur tous les refrains de l’album, et je lui ai proposé de chanter une voix lead sur le titre “Double Trouble”. On a fait une séance de trois heures, il a accouché de soixante-deux pistes, merci, au revoir !!!

Merci Mat et bonne chance pour la promo de ton album !

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