Groupe:

Klone

Date:

14 Mai 2015

Interviewer:

Didier

Interview Aldrick Guadagnino (face à face)

Bonjour Aldrick et merci d'accorder un peu de temps à notre webzine, AuxPortesDuMetal. La dernière fois que nous nous étions rencontrés, c’était au VOX à Toulon en octobre 2013, vous supportiez Orphaned Land. Qu’avez-vous fait de beau pendant ces 18 mois ?

On a enregirstré un album. Eh oui, ça nous a pris tout ce temps mais on a vraiment pris notre temps pour enregistrer le sixième album de Klone, entre la composition, les prises en studio, le mix du master, et tout ça. Voilà.

Alors justement, parlons de ce nouvel album. Pourquoi ce titre "Here Comes the Sun" ? Vous prônez une sorte de positivisme ou de sortie du marasme ambiant ?

En fait on a d'abord trouvé le titre, "Here Comes The Sun", qui nous a plu. On a aussi trouvé assez vite la pochette, ce qui nous a permis de poser un climat, une image, et ensuite tout a un peu découlé de ça en fait. Et oui, c'est vrai qu'il y a quelque chose d'un peu ironique dans tout ça, car au final le soleil peut être vu comme un truc positif, mais il peut aussi engendrer des maladies, la famine, et on voulait montrer un peu tous ces angles là.

Tout a été soigné dans cet album, notamment la pochette. Qui en est l’auteur et quelle en est la signification ?

Malheureusement, je ne me rappelle plus du nom de ce photographe canadien, que nous avons trouvé sur le net [En fait c'est Joel Robison] et à qui nous avons acheté la photo. On a trouvé que les couleurs correspondaient bien au thème général de l'album.

Petit aparté. Vous avez, pour la première fois il me semble, fait appel à un financement participatif pour cet album. Pourquoi cette décision ?

En fait c'est pas nouveau, cet appel à souscription. Déjà avant que j'arrive dans le groupe, puisque ça ne fait que quatre ans que j'y suis, Klone procédait déjà comme ça. Ca ne s'appellait pas comme ça, et c'était pas sur Internet, mais c'était pareil en fait. On appellait ça des souscriptions ou des préventes.

En tout cas, ça semble avoir bien fonctionné. Avez-vous eu des soutiens inattendus ?

On a eu des beaux dons, car on a eu des gens qui ont donné plus de cent euros, c'est déjà un peu halucinant. Il y a pas mal de monde qui nous a soutenus, ça fait chaud au coeur de voir qu'on a une fan base qui s'est créée.

De plus en plus d’artistes se retrouvent dans cette approche. N’est pas un constat d’échec du Music Business ? Qui, finalement, supprime les intermédiaires et connecte les artistes et leur public directement ?

Oui c'est vrai. Il y a surtout beaucoup moins de sous, pour tout le monde, et sachant que le dévelopement principal d'un groupe, c'est bête à dire, passe forcément par de l'argent, et bien pas d'argent, pas de projet, donc pas de musique. Et donc, oui, on supprime les intermédiaires pour avoir un rapport plus direct avec les gars qui écoutent notre musique.

On revient au contenu. Comment s’est passé la phase de composition de cet album ?

C'est Guillaume qui a apporté une majorité des riffs et des idées, et on a bossé à partir de ces squelettes de morceaux, tous ensemble.

Lors de la dernière interview, Guillaume nous avait parlé d'un album acoustique à venir. Est ce que certains de ces morceaux se sont retrouvés sur "Here Comes The Sun" ?

Carrément en fait. Même le titre, "Here Comes The Sun", au départ, était le titre d'un side project de Klone, avec de la musique plus soft. Mais comme au final tous les membres de Klone étaient d'accord pour le projet, c'est redevenu du Klone. C'est parti comme ça. Ca nous semblait au final, idiot de changer le nom du groupe, puisque c'étaient les mêmes membres. Et la musique était très proche. Il nous a juste fallu quelques années pour assumer ce côté plus soft.

Et au niveau des textes et des thèmes abordés, comment ça se passe ?

Tout est dans la tête de Yann. Il participe énormément aux répétitions. Il se fond dans l'ambiance, pour capter le morceau, et penser à ses lignes mélodiques, et le texte vient vraiment après. Il a tout écrit. C'est très axé sur des paysages, des sensations, c'est rarement écrit à la première personne. C'est plutôt contemplatif, dans l'expectative plutôt que dans le vécu. En tout cas, souvent.

Vous décidez de caser une reprise de Summertime, un grand classique de jazz. Pourquoi ce choix ?

C'est un morceau composé par George Gershwin en fait, mais repris pas de nombreux artistes, mais pas encore dans une version grungy à la Klone comme ça. Ca date d'il y a un moment déjà, quand on a fait des versions acoustiques de certains morceaux de "The Dreamer's Hideaway", on voulait aussi faire une reprise. On a cherché et choisi ce morceau qu'on aimait tous bien, notamment les versions de Janis Joplin ou de Ela Fitzgerald qui sont géniales et on a eu envie de se l'approprier.

"Army Of Me", que vous aviez repris sur "Black Days" était déjà un choix surprenant, mais qui s’est avéré payant, notamment en live, vous pensez que "Summertime" pourra avoir le même succès ?

C'est pas du tout dans la même catégorie. Pour "Army of Me", on a fait une version gros metal, avec des guitares sous-accordées, dans un style très moderne. Là, il y a un côté acoustique qui contrecarre tout, qui n'aura certainement pas le même effet. Mais on espère quand même un peu créer la surprise, par cette sorte de détournement, via Klone, et cette ambiance. Bon je sais pas si ça aura autant d'impact que "Army Of Me" qu'on joue toujours, et qui fait toujours autant mouche sur scène.

Tu parlais à l'instant de grunge, et justement dans ma chronique je disais que le chant de Yann oscille entre progressif et grunge, ce sont de véritables influences pour vous ?

Oui. On a tous été marqués, et Guillaume encore plus, par la vague grunge des années 90, avec Alice In Chains, Nirvana, et tous les autres. Mais aussi par le prog des 70's comme King Crimson, et plus récent comme Porcupine Tree. Ce sont des choses qui nous collent à la peau, mais bon, après, dans Klone ça part tout azimut, on peu autant écouter de la pop que du jazz ou du gros brutal death.

Ce dernier album, globalement, accentue le côté progressif de Klone. Certains morceaux rappellent un peu Riverside ("Drifter"). C’est une tendance que vous confirmez ? Et durable ?

Je pense que ça a toujours été sous-jacent dans le groupe mais jamais exploité à fond. Et comme aujourd'hui c'est plus assumé, c'est plus mis en avant. Ca c'est pas décidé, ça s'est juste fait comme ça, naturellement. Après se pose la question de comment ça va être resenti par les gens, mais au bout d'un moment, si tu commences à bien assumer, c'est pas que tu t'en fous du regard des gens, mais tu commences à te dire, que si on assume bien, ça va plaire aux gens.

On entend peu de solo dans les morceaux, au profit plutôt d'harmonies de guitares qui donnent ce côté ambiant qui vous identifie depuis le début. Vous avez bossé comment avec Guillaume au niveau des guitares ?

Par rapport à avant, où ça partait souvent d'un gros riff de guitare, maintenant Guillaume procède vraiment différement. Il superpose des mélodies très simples à la base, qu'il va harmoniser. Ca fait moins metal, avec des grosses guitares, mais plutôt des superpositions de thèmes ; en classique on appelle ça des contrepoints. Ensuite on a beaucoup joué sur les crescendo, il n'y a pratiquement pas de saturation, juste ses montées de mélodies en son clair qui forment le relief.

Je ne suis pas sûr mais il me semble que vous utilisez un ebow sur "Gone Up In Flames". C’est aussi pas mal utilisé dans Marillion ou Riverside ?

Oui, il y en a, mais ça n'est pas très nouveau dans Klone.

Il me semble que l’album a été bien accueilli, ça donne quoi du côté des chiffres ?

Il est sorti le 7 avril, c'est relativement frais. Si on se fie aux critiques, c'est généralement très positif, et ça nous porte un peu. Au niveau des ventes, je ne sais pas trop. Je pense que de tourner et de vendre lors des concerts c'est bien plus efficace que d'attendre juste la sortie du disque. En plus, on a aussi les préventes.

Les musiciens de Klone sur album ne sont pas les mêmes que Klone live. Ca n’est pas la première fois d’ailleurs. Quelle est la raison, si ça n’est pas indiscret, qui nous prive de Florent et Jean-Etienne ?

Jean-Etienne joue pour des artistes pop, sur Paris, très mainstream, comme Louis Delort, je ne sais pas si tu connais. Moi, je connais à peine. Il fait une bonne carrière là dedans, il y consacre beaucoup de temps, et il vit de ça, donc, c'est normal, il met la priorité là dessus. Il joue dans des gros studios, pour des grosses tournées, des gros live et il ne peut plus dire non à ça. Et Flo, il a plusieurs projets, un peu plus électro, avec certainement plus de sous derrière. Je pense qu'il avait un peu plus envie de s'évader, de chercher autre chose, et si en plus ça pouvait ramener une petite rémunération, c'est pas plus mal.

Je précise quand même qu’on est ravi de retrouver Morgan et Julian, que nous apprécions aussi énormément.

Ouais c'est une chance inouïe de tomber sur des gaillards pareils. C'est génial.

Sur l’album on trouve plusieurs interventions subtiles de Mathieu au sax. Je trouve ça super mais en live vous gérez comment ?

C'est tout samplé sur bande. Parce que, pareil pour Mathieu que pour Jean-Etienne, il est très pris. Il joue, ou il jouait, je ne suis plus trop sûr, avec ONJ, l'Orchestre National de Jazz. Et il a beaucoup d'autres projets.

Du coup ça oblige Morgan à jouer au click ?

Oui, mais c'est comme ça déjà depuis "Black Days".

Alors vous êtes en pleine tournée pour promouvoir ce nouvel album. Comment ça se passe en France pour l'instant ?

Globalement super positif. Bon retour des gens. Surtout qu'on a fait des dates avec des affiches super metal, avec des groupes de heavy, des trucs plus méchants. On avait un peu peur de la réaction sur des titres plus soft, et bizarement le contre-pied marche plutôt bien, je suis même surpris. Quand on finit un morceau calme, ils sont aussi excités qu'à la fin d'un qui bouge.

Quelle est la proportion de nouveaux morceaux dans la setlist 2015 ?

Il y en a cinq quand même, sur une dizaine en tout. On est bien concentré là dessus.

Je remarque que vous allez vraiment partout. C'est important de visiter tous les coins de France ?

Oui c'est important. D'autant qu'on a une espèce de statistique via le crowdfunding justement, on sait d'où sont les gens qui achètent. Ca aide un peu. Après c'est bien aussi de jouer dans des endroits où on a jamais trop joué, comme le Sud par exemple.

J’ai lu aussi que vous alliez partir dès la fin de la semaine pour plusieurs dates en Australie. C’est une première ? Et comment ça s’est fait ?

Ah ouais carrémment. On est jamais parti aussi loin, c'est clair. En fait plusieurs choses. Déjà le crowdfunding a révélé des gens qui nous apréciaient en Australie. Ensuite on a rencontré un tourneur australien lors de notre passage en support d'Orphaned Land au Divan Du Monde, et il nous a bien aimé. Il s'occupait à l'époque de faire tourner Orphaned Land en Australie . Les deux choses nous ont permises de monter le projet d'une tournée là-bas de sept dates dans les plus grosses villes d'Australie. C'est génial, on part le 20 mai, et on se fait tous dans nos couches, là [rires]. 24 heures de vol ! Ca va nous calmer.

Vous allez enchainer sur d’autres pays après l’Australie ?

Pour l'instant rien de fait. On essaye d'accrocher un support d'une tournée en Europe, ça serait bien. Et on refera aussi de la France, je pense.

En tout cas, on dirait que cet album a bien été accueilli à l’étranger. Une consécration pour vous ?

Ca commencait déjà à partir de la tournée avec King's X, je n'y étais pas encore. On a aussi bien enfoncé le clou lors de la tournée avec Gojira, on s'est fait un bon petit nom à l'étranger, et pour finir aussi avec Orphaned Land. Donc une consécration, oui et non. D'abord elle n'est pas vraiment arrivée cette consécration, donc il faut encore travailler pour, mais ça fait du bien de savoir qu'on a un soutien à l'étranger.

On a lu aussi pas mal de bon reports de Trepalium à Londres, on dirait que la Klonosphere commence à bien répandre le metal Français de qualité à l’étranger. Ça doit faire plaisir non ?

Oui ça fait très plaisir. Surtout que c'est pas mal de groupes qui ont déjà 15 ans d'existence. C'est cool de voir l'effet que ça peut avoir en grandissant, à l'étranger. C'est le cas de Trepalium en UK, mais aussi de Hacride, et donc Klone aussi. Ca fait du bien. On a de la qualité à offrir dans nos groupe français et ça commence à se voir.

On ne vous a pas trop vus sur les affiches de festoches d’été. C’est normal ?

Oui c'est vrai. On fait quand même le Motocultor Fest. C'est tout ce qu'on a. C'est pas forcément une volonté de notre part, ça c'est juste pas fait.

Est-ce que le fait que l'album soit, cette fois-ci, distribué par Verycords et Warner à l'étranger, va vous ouvrir de nouvelles portes ?

On espère que ça va nous offrir quelques plans auxquels on n'aurait pas eu accès. Par exemple, on va peut être être programmés sur un concert dans les arênes d'Arles cet été. Verycords gère la distribution et la promotion en fait. Cet album, Guillaume ne l'a pas sorti car il a préféré confier le boulot à Verycords, pour se décharger un peu de cette partie-là qui lui donnait énormément de travail. 

A Arles cet été il n'y a pas des tonnes de concerts, j'en vois bien un en particulier, mais du coup Morgan va devoir faire deux sets ?

Je ne peux rien dire, car rien n'est signé...

On a aussi lu que vous aviez reçu un « Endorsement »  des guitares Lag. Explique nous un peu ça ? Ça doit aussi faire plaisir ça ?

Ca fait plaisir, oui, de jouer sur ces guitares françaises. En fait, ça a commencé quand Klone a fait le Hellfest, je pense en 2009, je n'étais pas encore arrivé. Ils ont rencontré Michel Lag, là bas, et ont bien sympatisé. Michel est tombé amoureux de la musique de Klone, et du coup voilà, ils ont commencé à prêter des grattes, et ça fait maintenant bientôt cinq ans que le deal se perpétue et qu'il y a des échanges de grattes permanents. On en parle plus aujourd'hui via une vidéo, c'est tout. On est super content de nos dernières acquisitions, des modèles Roxane super cool.

Ça sera ma dernière question. Que peut-on vous souhaiter pour l'avenir du groupe ?

Plein de tournées. Déjà sur l'album précédent on avait réussi à faire 130 dates, là j'espère qu'on en fera plus encore, donc plein de concerts et plein de sous ! [rires]

Tu arrives à vivre de Klone aujourd'hui ?

Euh, non, moi je fais un peu d'intérim. Je file aussi des cours de guitare.